Arrière-saison

Caractéristiques du livre

Titre: ARRIERE-SAISON
Auteur: Gérard GLAMEAU
Editeur: Le Jarosset
Format: 11X19cm
Nombre de pages: 120 pages
Parution: mai 2005
Prix: 12 euros
ISBN: 2-9525061-0-8

LE VIEIL ARBRE (page 11)

Au seuil de mon hiver, me voici étincelant sous ma frondaison patiemment mûrie au sang de la terre, à la lumière des existences. Dans le silence des nuits, j'ai longtemps transpiré sur la forge, au plus profond de moi-même, pour élaborer ma coiffe de verdure. Vient aujourd'hui le difficile moment de la séparation. Bientôt chauve et ainsi allégé, je partirai pour mon dur voyage de l'hiver, transparent dans ma nudité, sujet à tous les vents et à tous les tracas, à de nombreux tourments et aux plus durs des frimas. Dans mon habit de neige et mes bougies de glace, quand mon ombre s'étirera au moment du couchant, alors j'apparaîtrai dans toute ma vérité.

 

ARRIÈRE-SAISON (page 12)

Quand arrive l'automne et que l'onde pleure son bleu, la station ferme ses yeux et ça pour de longs mois. Volets clos rideaux tirés disent à tous les obstinés qu'il n'y a plus rien à voir et qu'il faut s'en aller. L'air de l'aube pourtant, parce qu'un peu plus piquant, réveille bien mieux ici tout corps encore endormi. Et le vent d'équinoxe y fait chanter plus fort de sa note lancinante le rouleau barbe blanche. Sur la grève désertée, les goélands argentés attendent calmes et sereins du courroux marin la fin, pour laisser après la brume leurs empreintes de plumes et aller faire au loin leurs meilleurs des festins. La transparence de l'air est si pure au couchant que les lumières de l'île s'approchent au plus près. Et c'est à ce moment qu'à l'ombre des panicauts, se lèvent les pleurotes dont l'oeil noir semble dire " mais restez donc ici ".

 

LES RIDES (page 27)

Signes de vie, les rides soulignent avec malice de leurs sillons nos dispositions. A la bouche du rieur elles affleurent et du malicieux elles brident les yeux. Les tiennes te creusent le front aux soucis qui si souvent le froncent et tes lèvres trop pincées ont plissé ton menton. La carte du temps se grave sur les visages et amasse pas à pas le poids de l'âge. Et ça agace. Car exister exige pour qui n'a pas tant d'appas et la toxine qui lisse menace de sa carapace qui glace et cache un monde où tout défaut est de trop. Auras-tu le courage de laisser à lire le livre de tes rides ?

 

LA VENDEUSE (page 80)

La marchande de pain aime les poètes et ce matin, sourire en coin et l'�il coquin, demande sur ton de confidence comment va l'inspiration. Voilà l'apprenti poète monté en statue sur son socle, lui qui n'aligne que des mots qui n'ont encore jamais nourri personne. Mais le parfum d'encre fraîche a pour la boulangère la fragrance d'une mie chaude, elle en salive et postillonne d'éloges. Et l'homme repasse la porte heureux, son sandwich de compliments à la main.

 

VISION (page 114)

En de longues séances, à petits coups de mots, le sculpteur burine la vie de l'autre, peu à peu lui donne forme, parfois avec bonheur celle que le modèle attend. Mais qu'un coup du marteau soit trop fort, énorme sera l'effort pour lisser la blessure et effacer la déchirure. Écorcer la rudesse d'une enfance, limer un sentiment d'échec, donner une forme d'être à l'être, travail de toute une vie qui au frottement du modèle finit par sculpter l'artiste aussi.